Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/269

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le bien-être, sans souffrir de l’indigence, sachant que le pauvre est évité par tous ses amis, et pour élever mes enfants d’une façon digne de ma famille. Et si j’engendrais des frères aux enfants nés de toi, ce serait pour les mettre au même rang, les unir en une seule famille, et vivre heureux. Qu’as-tu besoin, en effet, d’enfants ? Et je suis intéressé à ce que mes enfants vivants soient aidés par mes enfants futurs. Est-ce là mal penser ? Tu ne le dirais pas, si ces noces ne t’ulcéraient. Vous êtes ainsi, vous, femmes : tant que votre lit est sauf, vous croyez tout posséder ; mais si quelque accident arrive à votre lit nuptial, vous prenez en haine ce qu’il y a de meilleur et de plus beau. Il eût fallu que les hommes pussent engendrer des enfants par un autre moyen, et que la race des femmes n’eût pas été. Ainsi, aucun mal n’eût existé pour les hommes.

LE CHŒUR.

Iasôn, tu as fort bien orné ton discours ; mais, contre ton opinion, je dirai néanmoins que tu me parais avoir agi injustement envers ta femme trahie.

MÈDÉIA.

Certes, je suis en dissentiment avec le plus grand nombre des mortels. Pour moi, quiconque, étant injuste, est habile à bien dire, est digne du plus grand châtiment ; car, en ornant son iniquité par sa parole, il osera toutes les perfidies, et il sera peu sage. Ne sois donc pas maintenant spécieux en paroles envers moi, ni habile à bien dire. Un seul mot te confondra : Il te fallait, si tu ne méditais point le mal, me persuader avant d’accomplir ces noces, et non te cacher de tes amis.