Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/327

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ténèbres complices de leur faute, et ne craignent-elles pas d’entendre crier le toit de leur demeure ? Voilà ce qui me tue, amies ! afin que je ne puisse jamais déshonorer mon mari et les enfants que j’ai enfantés, et afin que, florissants et parlant en liberté, ils habitent la Ville des illustres Athènaiens et se glorifient de leur mère. Car l’homme, quelque audacieux qu’il soit, devient esclave, qui a conscience des crimes de son père ou de sa mère. On dit qu’un seul bien est d’un prix égal à celui de la vie, c’est un cœur juste et honnête. Au moment fatal, le temps manifeste les hommes pervers, comme le miroir le visage d’une jeune fille. Puissé-je ne jamais être comptée parmi eux !

LE CHŒUR.

Ah ! combien la sagesse est belle partout, et qu’elle obtient une gloire excellente parmi les mortels !

LA NOURRICE.

Maîtresse, ton malheur, à la vérité, m’a donné une crainte terrible ; mais je reconnais maintenant que j’étais insensée. Chez les hommes, les secondes pensées sont plus sages que les premières. Ce que tu éprouves n’a, en effet, rien d’étrange ni de déraisonnable. La colère d’une Déesse s’est ruée sur toi. Tu aimes ! Quoi de surprenant ? Tu partages cela avec d’innombrables mortels. Et, à cause de cet amour, dois-tu faire périr ton âme ? Certes, désormais, personne n’aimera, s’il est nécessaire de mourir pour avoir aimé. Kypris, en effet, est invincible, quand elle se précipite avec violence. Elle traite doucement qui lui cède ; mais quand elle trouve un cœur arrogant et fier, comment penses-tu qu’elle s’en saisit et qu’elle le dompte ?