Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/350

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rien à répondre. Vois cette lumière du jour, et vois la terre ! Quoi que tu dises, il ne s’y rencontre aucun homme plus chaste que moi. Avant tout, je sais, en effet, honorer les Dieux, et j’ai des amis qui veulent être justes, qui auraient honte qu’on leur demandât de mal faire ou de venir en aide, dans leurs mauvais desseins, à ceux qui en méditent de tels. Je ne me ris pas de mes amis, père ! je suis le même pour les présents et pour les absents ; et si je suis innocent de quelque chose, c’est de ce dont tu me crois convaincu. En effet, jusqu’à ce jour, mon corps est pur de tout contact impudique. Je n’en sais que ce que j’en ai entendu dire ou vu par la peinture, et je n’ai point le désir de voir ces choses, ayant l’âme vierge. Peut-être ma chasteté ne te persuadera-t-elle pas ; mais il te faut montrer comment je me suis corrompu. Le corps de celle-ci l’emportait-il, par la beauté, sur toutes les femmes ? Ai-je espéré devenir maître de ta demeure, en te succédant dans ton lit ? J’aurais été insensé et absolument sans raison. Est-il donc doux aux hommes chastes de commander ? Non, certes, à moins que la monarchie n’ait corrompu le cœur de ceux à qui elle plaît. À la vérité, je voudrais être le premier, et vaincre dans les combats hellèniques ; mais être le second dans la Cité, et toujours vivre heureux avec d’excellents amis. Il m’est permis de gouverner aussi la chose publique, et le danger absent cause une plus grande joie que la tyrannie. J’ai omis une seule de mes preuves ; mais tu as entendu toutes les autres. Si j’avais un témoin tel que moi, si celle-ci voyait la lumière, je me défendrais, et tu reconnaîtrais les coupables par les faits, après avoir tout examiné. Maintenant, par Zeus, vengeur du serment ! et par la terre où je marche ! je jure que je n’ai jamais touché ta femme, que