Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/39

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LA SERVANTE.

Ô très malheureuse maîtresse, et plus encore que je ne le dis, tu es perdue, tu n’es plus, bien que voyant encore la lumière. Sans enfants, sans époux, sans ville, tu es perdue sans ressources.

HÉKABÈ.

En cela tu ne dis pas une chose nouvelle, et tu la dis à qui le sait. Mais pourquoi m’apportes-tu le cadavre de Polyxénè dont la sépulture devait être célébrée par tous les Akhaiens ?

LA SERVANTE.

Elle ne sait rien ! Elle croit que je porte Polyxénè qu’elle pleure ; elle ne songe pas à de nouveaux malheurs.

HÉKABÈ.

Hélas ! malheureuse que je suis ! M’apporterais-tu ici la tête furieuse de la prophétique Kasandra ?

LA SERVANTE.

Celle que tu nommes est vivante, et tu ne pleures pas celui-ci qui est mort ! Vois ce cadavre nu ! Vois s’il te semble un prodige et si tes espérances sont trompées.

HÉKABÈ.

Hélas sur moi ! Certes, je vois mon fils Polydôros mort, lui qu’un homme Thrèkien me gardait dans ses demeures ! Malheureuse ! je suis perdue, je ne suis plus. Ô fils ! ô fils ! hélas ! hélas ! Je pousse un cri furieux pour ces maux qui me viennent d’un Daimôn funeste !