Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/404

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

justement, comme mon père et comme ma mère. Certes, tu aurais livré un beau combat en mourant pour ton fils, et il ne te restait qu’un temps bien court à vivre ; et moi, je vivrais, et elle aussi vivrait le reste de la vie, et je ne gémirais pas, privé de ma femme. Et cependant, tu as en partage tout ce qu’un homme heureux peut avoir. Tu as passé ta jeunesse dans la royauté, et j’étais ton fils, héritier de tes demeures ; et tu ne serais pas mort sans enfants, laissant ta maison en proie à d’autres. Tu ne diras pas pourtant, qu’ayant méprisé ta vieillesse, tu m’as livré à la mort, moi qui t’ai grandement respecté ; et c’est pour cela que, toi et ma mère, vous me récompensez ainsi ! Engendre donc promptement d’autres enfants qui te nourrissent dans ta vieillesse, et qui, morts, ornent ton corps, et l’exposent publiquement. En effet, je ne t’ensevelirai point de ma main, car je suis mort, autant qu’il dépendait de toi ; et, si, ayant eu un autre sauveur, je vois la lumière, je me dis le fils de celui-ci et le gardien de sa vieillesse. C’est donc faussement que les vieillards souhaitent de mourir, maudissant la vieillesse et le long espace de la vie. Si la mort approche, personne ne veut mourir, et, désormais, la vieillesse n’est plus un lourd fardeau pour eux.

LE CHŒUR.

Cessez ! C’est assez du malheur présent, ô fils ! n’irrite pas outre mesure l’esprit de ton père.

PHÉRÈS.

Ô enfant, qui injuries-tu ? Est-ce quelque Lydien ou quelque Phrygien acheté pour de l’argent ? Ne sais-tu pas que je suis thessalien, sorti d’un père thessalien, et né libre ? Tu m’outrages outre mesure. Mais, après m’avoir