Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/460

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et de la guerre, les Hellènes en sont revenus plus aguerris ; car, en toutes choses, l’expérience est la maîtresse des hommes. Si, quand je me retrouvai en présence de ma femme, je me retins de la tuer, je fis sagement. Et je voudrais aussi que tu n’eusses pas tué Phokos. Je t’ai conseillé par bienveillance et non par colère. Mais si tu te mets en fureur, c’est que l’incontinence de la langue est plus forte chez toi, tandis que j’ai le bénéfice de la prévoyance.

LE CHŒUR.

Cessez donc de vous livrer, car c’est, en effet, ce qu’il y a de mieux, à ces paroles vaines, de peur que vous ayez tort tous deux à la fois.

PÈLEUS.

Hélas ! Quelles mauvaises mœurs sont dans la Hellas ! Quand une armée élève des trophées sur des ennemis, on ne songe pas qu’ils sont dus aux fatigues des guerriers, mais le stratège en emporte toute la gloire, lui qui, seul, avec mille autres, vibrant la lance, n’a fait rien de plus que chacun d’eux et possède la plus grande renommée. Siégeant, avec arrogance, dans les magistratures de la Cité, ils respirent l’orgueil, au-dessus du peuple, bien qu’ils soient des hommes de rien. D’autres, cependant, seraient beaucoup plus habiles que ceux-là, si l’audace était en eux en même temps que la volonté. Ainsi, toi et ton frère, vous siégez pleins d’orgueil à cause de la prise de Troia et pour avoir eu le commandement guerrier, fiers des peines et des fatigues des autres ! Mais je te montrerai que l’Idaien Paris n’était pas un plus grand ennemi que Pèleus, si tu ne sors très promptement de cette