Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/466

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LA NOURRICE.

Ton mari te pardonnera cette faute.

HERMIONÈ.

Pourquoi arraches-tu cette épée de ma main ? Rends, rends, ô chère, pour que je me perce. Pourquoi m’éloignes-tu du lacet ?

LA NOURRICE.

Mais si je te laissais à ta fureur, pour que tu meures… ?

HERMIONÈ.

Hélas ! ô destin ! où trouverai-je la chère flamme du feu ? Où me précipiter du haut des rochers, dans la mer ou dans les montagnes boisées, afin que, morte, je sois la proie du Hadès !

LA NOURRICE.

Pourquoi te tourmenter de ces choses ? Les calamités arrivent divinement à tous les hommes, soit en ce temps, soit en un autre temps.

HERMIONÈ.

Tu m’as laissée, tu m’as laissée, ô Père, sur le rivage, comme une nef solitaire, sans aviron marin. Tu me perdras ! Je n’habiterai plus désormais dans cette demeure nuptiale. De quelle statue m’approcherai-je en suppliante ? Tomberai-je esclave aux genoux de mon esclave ? Plût aux Dieux que je fusse enlevée, oiseau rapide, sur des ailes bleues, loin de la terre de Phthia, ou que je fusse la nef en bois de pin qui, la première, passa les rivages des Kyanées, naviguant dans les détroits !