Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/511

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avant moi, car c’est vers moi et non vers toi que ce héraut est venu. Donc, il me faut lui répondre. Or, je répondrai d’abord à tes premières paroles. Je ne reconnais pas Kréôn pour mon maître et je ne le crois point puissant au point de contraindre Athèna de faire ce qu’il veut. Les choses couleraient contre leur cours, si nous étions ainsi commandés. Je n’engage point cette guerre et je n’ai point marché avec ceux-ci contre la terre de Kadmos ; mais, sans offenser ta Ville et sans vouloir des combats mortels aux hommes, je pense qu’il est juste d’ensevelir les cadavres des morts, en respectant la loi des Panhellènes. Qu’y a-t-il de blâmable en ceci ? En effet, si vous avez souffert de la part des Argiens, ils sont morts. Vous vous êtes vengés, glorieusement pour vous, honteusement pour eux, et la vengeance est complète. Permettez que la terre couvre les morts, et que chacun d’eux puisse retourner là d’où il est venu à la vie, l’esprit dans l’Aithèr et le corps dans la terre. Car nous ne possédons pas celui-ci en propre, si ce n’est pour y habiter pendant la vie ; puis, il lui faut rentrer dans la terre qui l’a nourri. Penses-tu n’insulter qu’Argos en n’ensevelissant point les morts ? Non, certes ! Car ceci touche toute la Hellas que de refuser aux morts ce qu’ils doivent obtenir et de les laisser sans sépulture. Les plus braves deviendraient lâches si une telle loi était établie. Et tu es venu me menacer avec d’insolentes paroles, et, si ces morts sont recouverts de terre, vous êtes épouvantés ! Craignez-vous qu’une fois ensevelis ils renversent votre Ville ? ou que, dans le sein de la terre, ils engendrent des enfants qui les vengent quelque jour ? Certes, c’est une inepte dépense de paroles d’exprimer ces craintes vaines et inutiles. Mais, ô insensés ! connaissez la misérable destinée des hommes : notre vie est