Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/600

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KLYTAIMNESTRA.

Je sais, j’ai appris tout ce que tu dois faire contre moi. Ton silence même et ces gémissements sont un aveu. Ne prends pas la peine de parler.

AGAMEMNÔN.

Je me tais donc. Pourquoi ajouterais-je l’impudence du mensonge à mon malheur ?

KLYTAIMNESTRA.

Écoute donc maintenant. Je vais parler et non plus par énigmes. Et je te reprocherai ceci avant tout : tu m’as épousée contre mon gré et enlevée de force, ayant tué mon premier mari Tantalos, et écrasé vivant contre terre mon enfant arraché violemment de mes mamelles. Les fils de Zeus, mes frères, illustres par les chevaux, te firent la guerre ; mais Tyndaréôs, mon vieux père, supplié, te sauvegarda, et, de nouveau, tu possédas mon lit. Depuis, réconciliée avec toi, tu attesteras toi-même que j’ai été pour toi et pour ta demeure une épouse irréprochable, chaste, accroissant ton bien patrimonial. Et, te réjouissant, soit dans ta demeure, soit au dehors, tu étais heureux. C’est un rare gibier pour un mari qu’une telle femme. Outre trois filles, je t’ai enfanté ce fils, et tu veux m’enlever cruellement une d’entre elles ! Et si quelqu’un te demandait pourquoi tu veux la tuer, réponds ! que dirais-tu ? Faut-il que je parle en ton nom ? C’est afin que Ménélaos retrouve Hélénè ! C’est une belle coutume que de racheter une mauvaise femme au prix de nos enfants, ce qui est le plus odieux par ce qui est le plus cher !