Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/62

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reux ! et la multitude des femmes me réduisait à l’impuissance. Enfin, ajoutant à ces maux un mal plus affreux, elles firent une chose terrible. Saisissant leurs agrafes, elles percèrent et ensanglantèrent les malheureuses prunelles de mes yeux. Puis, elles s’enfuirent à travers les tentes. Et moi, me ruant comme une bête féroce, je poursuivis ces chiennes meurtrières, et, comme un chasseur, je tâtais tous les coins de la tente, frappant et renversant tout. Voilà ce que j’ai souffert, pour te plaire et pour avoir tué ton ennemi, Agamemnôn ! Mais, pour n’en pas dire plus long, j’exprimerai en peu de mots tout ce qu’on a déjà dit en mal des femmes, dans le passé, le présent et l’avenir : ni la mer ni la terre ne nourrissent une pire race ; et il le sait bien, quiconque les a connues dans tous les temps !

LE CHŒUR.

Ne t’emporte pas ainsi, et, parce que tu souffres, n’accuse point la race entière des femmes, car, si quelques-unes d’entre nous sont mauvaises, d’autres sont dignes qu’on les envie.

HÉKABÈ.

Agamemnôn, il serait bon que, parmi les hommes, la langue ne l’emportât jamais sur les actions, mais que les bonnes actions amenassent toujours les bonnes paroles, et les mauvaises actions les mauvaises paroles, et que le mal ne pût jamais bien parler. À la vérité, ils passent pour sages, ceux qui usent ainsi habilement de la parole ; mais leur habileté a un terme, et ils périssent misérablement, et aucun d’eux n’a encore évité cette destinée. C’est à toi que je dis cela, Agamemnôn ; et je répondrai maintenant