Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/73

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fortune — craignant le rocher qui va tomber sur sa tête, pend dans l’air, et subit ce châtiment, dit-on, parce que, étant homme et partageant avec les Dieux l’honneur d’une table commune, il eut une langue sans frein, faute très honteuse. Il engendra Pélops, de qui est né Atreus, auquel la Déesse, filant sa laine en une trame fatidique, réserva la discorde, afin qu’il fît la guerre à son frère Thyestès. Mais quel besoin ai-je d’énumérer ces choses abominables ? Atreus, ayant égorgé ses enfants, les lui servit dans un festin. D’Atreus — car je tais les événements intermédiaires — est né l’illustre — s’il est illustre — Agamemnôn, et Ménélaos, d’une mère Krétoise, Aéropè. Et Ménélaos épousa Hélénè haïe des Dieux ; et le Roi Agamemnôn, par un mariage célèbre chez les Hellènes, épousa Klytaimnestra, de qui sont nées trois vierges, Khrysothémis, Iphigénéia et moi, Élektra, et un mâle, Orestès, enfants d’une mère très scélérate qui, ayant enveloppé son mari d’un tissu inextricable, le tua. Il ne sied pas à une vierge d’en dire la cause. Je laisse à tout autre le soin de découvrir ce secret. Mais pourquoi faut-il que j’accuse Phoibos d’injustice ? En effet, il poussa Orestès à tuer la mère qui l’avait enfanté, ce qui n’est pas digne de louange auprès de tous. Cependant il l’a tuée, ne désobéissant point au Dieu ; et moi, j’ai pris ma part du meurtre, autant qu’une femme le peut, ainsi que Pyladès qui a commis cette action avec nous. Et, depuis, le misérable Orestès languit, consumé d’un mal cruel ; et il gît étendu sur son lit, et le sang de sa mère l’agite de fureurs ; car je crains de nommer les Déesses Euménides qui le terrifient. Ce jour est le sixième depuis que ma mère a été égorgée et que son cadavre a été purifié par le feu. Et, pendant ces jours-ci, Orestès n’a pris aucune