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LES BAKKHANTES.

voulez-vous que nous saisissions Agave, mère de Pentheus, et que nous l’enlevions à ces Orgies, agissant ainsi pour être agréable au Roi ? — Il nous sembla qu’il avait bien parlé, et nous nous sommes cachés en embuscade sous les halliers feuillus. Et les Bakkhantes, l’heure étant venue, agitaient le thyrse Orgiaque, invoquant, toutes à la fois, Iakkhos, fils de Zeus, ou Bromios. Et toute la montagne et les bêtes fauves entrèrent en fureur, et tout s’agita et courut. Et comme Agave bondissait par hasard près de moi, je m’élançai, afin de la saisir, hors du hallier où j’étais caché ; mais elle s’écria : — Ô mes chiennes rapides, nous sommes attaquées par ces hommes ! Suivez, suivez-moi, armées de vos thyrses ! — Alors nous fuyons, évitant d’être déchirés par les Bakkhantes ; et celles-ci se jetèrent sur les animaux qui paissaient l’herbe, bien que sans armes. Et tu aurais vu une d’elles déchirer en deux, de ses mains, une génisse aux lourdes mamelles et mugissante ; et d’autres mettaient les vaches en lambeaux ; et tu aurais vu les côtes et les pieds fourchus sauter de toutes parts, et les morceaux, suspendus aux sapins, dégoutter de sang. Et les taureaux farouches, aiguisant leurs cornes avec fureur, étaient renversés contre terre par les mille mains de ces jeunes filles, et leurs peaux étaient arrachées de leurs chairs, plus promptement que tu n’abaisserais tes paupières sur tes pupilles royales. Et elles furent emportées, comme des oiseaux volant dans l’air, vers l’immense plaine où coule l’Asôpos et qui donne de riches moissons à Thèba ; et, se ruant en ennemies sur Hysia et Érythra qui sont au pied du Kithairôn, elles y ont tout dévasté ; et elles ont enlevé les enfants des demeures ; et tout ce qu’elles ont chargé sur leurs épaules y demeurait attaché sans liens et sans tomber sur le sol noir, même le fer,