Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/486

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IÔN.

Hélas ! hélas ! Que je répands de larmes, quand je songe dans mon esprit que ma mère, secrètement épousée, m’a exposé en se cachant, et ne m’a pas nourri de son sein ; mais que, sans nom, j’ai mené une vie servile dans les demeures du Dieu ! Les bons traitements me sont venus d’un Dieu, et les mauvais de la fortune. Dans le temps même où il est juste de goûter le bonheur de vivre dans les bras caressants d’une mère, j’ai été privé de la très chère nourriture maternelle. Et ma mère aussi a été malheureuse, puisqu’elle a souffert le même mal, privée des joies maternelles. Et maintenant, en possession de ce berceau, je l’offrirai au Dieu, afin d’ignorer ce que je ne désire point savoir ; car si quelque esclave m’a enfanté, il me serait plus dur de retrouver ma mère que de n’en point avoir et de me taire. Ô Phoibos ! Je consacre ce berceau à ton temple ! Mais que fais-je ? Je m’oppose à la volonté du Dieu qui m’a réservé le moyen de retrouver ma mère. Ceci doit être ouvert. Il faut oser, car je ne pourrai jamais l’emporter sur la destinée. Ô bandelettes sacrées, pourquoi m’avez-vous été cachées, et vous, ô lieux, qui gardiez des choses si chères ? Voici le dehors de la corbeille ronde. Comme elle n’a point vieilli, et comme elle est intacte, grâce à un Dieu, bien qu’il se soit passé un long temps !

KRÉOUSA.

Quelle chose inattendue ai-je vue ?

IÔN.

Tais-toi ! Déjà, tu le sais, tu as refusé de me dire bien des choses.