Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/539

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Où est ma massue ? Je pars pour Mykèna. Il faut prendre des leviers et des houes, afin que je détruise avec le fer recourbé la Ville et les demeures kyklopéennes bien bâties à l’aide de la règle rouge et du pic ! — Puis, il marcha ; et quoiqu’il n’eût point de char, il disait qu’il en avait un ; et il y montait, en frappant comme s’il avait un fouet en main. Et les serviteurs riaient et tremblaient à la fois ; et ils se regardaient l’un l’autre, et un d’entre eux dit : — Notre Maître joue-t-il, ou est-il en démence ? — Et lui montait et descendait dans la demeure ; et, se précipitant dans la chambre des hommes, il dit qu’il était arrivé dans la Ville de Nisos, bien qu’il fût dans sa propre demeure ; et, se couchant par terre, toujours le même, il prépara son repas. Et, peu de temps après, il déclara qu’il était arrivé dans les vallées boisées de l’Isthme. Puis, s’étant mis nu, il combattait un adversaire absent, et il déclarait à des spectateurs imaginaires qu’il était vainqueur. Puis, exhalant des menaces furieuses contre Eurystheus, il affirmait qu’il était à Mykèna. Mais son père, saisissant sa robuste main, lui parla ainsi : — Ô fils, que t’arrive-t-il ? Quel est ce voyage que tu fais ? Est-ce le meurtre de ceux que tu as tués qui te trouble l’esprit ? — Et lui, croyant que c’était le père tremblant d’Eurystheus qui le suppliait en lui tendant la main, le repoussa et prépara son arc et son carquois contre ses enfants, pensant tuer les enfants d’Eurystheus. Ceux-ci, saisis de terreur, se jetaient çà et là, l’un se cachant sous le péplos de sa malheureuse mère, l’autre derrière une colonne, et le troisième sous l’autel, comme un oiseau palpitant. Et la mère criait : — Ô père, que fais-tu ? Tu veux tuer tes fils ? — Et le vieillard criait, et la foule des serviteurs aussi. Et lui, poursuivant l’enfant autour de la colonne, et le rencontrant en face, lui perça