Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/559

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habite cette Ville, quoique avec tristesse, et contrains ton âme de supporter mes malheurs avec moi. Ô fils ! Celui qui vous engendra, votre père, vous a tués, et vous ne jouirez pas du fruit de mes victoires, de la gloire que j’ai acquise par mes travaux, éclatant héritage d’un père. Et toi, ô malheureuse ! je t’ai tuée, récompensant bien mal la fidélité que tu avais gardée à mon lit et ta longue surveillance de mes demeures. Ô femme ! Ô enfants ! Hélas sur moi ! Combien je suis malheureux ! Voici que je suis arraché à ma femme et à mes enfants ! Ô cruelles douceurs des embrassements ! Lugubre mélange de ces armes et de ces corps ! Je ne sais si je dois les reprendre ou les rejeter. Si elles sont encore suspendues à mon flanc, elles me diront : — C’est par nous que tu as égorgé ta femme et tes enfants ; tu possèdes en nous les meurtriers de tes enfants ! — Les porterais-je encore après cela ? Que dirai-je ? Mais, privé de ces armes avec lesquelles j’ai accompli de très éclatantes actions dans la Hellas, m’abandonnerai-je à mes ennemis et à une mort honteuse ? Il ne faut pas que je les abandonne, mais que je les garde, quoique avec douleur. Aide-moi en une seule chose, Thèseus ! Pars avec moi pour Argos, afin de régler la récompense promise pour le Chien amené du Hadès, de peur, qu’étant seul, la douleur que me causent mes enfants ne me porte malheur. Ô terre de Kadmos ! Ô peuple Thèbaien ! Coupez vos cheveux, gémissez ! allez sur le tombeau de mes enfants, pleurez tous ensemble sur les morts et sur moi ! Nous périssons tous, frappés par la misérable haine de Hèra !

THÈSEUS.

Lève-toi, ô malheureux ! C’est assez de larmes.