Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/417

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étales ta richesse parmi des pauvres ; Ménélas est à tes yeux plus grand qu’Achille : voilà ce qui te rend odieuse à ton époux. Une femme, fût-elle unie à un méchant époux, doit chercher à lui plaire, et ne pas lutter avec lui d’arrogance. Si tu avais eu pour époux quelque roi de la Thrace, pays couvert de neige, où le même homme fait tour à tour partager sa couche à plusieurs femmes, tu les aurais donc tuées ? et, par les excès d’une passion insatiable, tu aurais déshonoré toutes les femmes ? Si cette passion fermente en nous avec plus de violence que chez les hommes, du moins nous la réglons avec décence. Ô cher Hector, si Vénus t’inspira quelque faiblesse, j’aimais, à cause de toi, les femmes que tu aimais ; souvent même je présentai mon sein aux enfants qu’une autre mère t’avait donnés, pour ne te faire sentir aucune amertume. En agissant ainsi, je gagnais, par ma douceur, le cœur de mon époux. Mais toi, dans ta crainte jalouse, tu ne souffres pas même qu’une goutte de rosée céleste approche de ton époux. Femme, prends garde de surpasser en impudicité celle qui t’a donné le jour : les enfants sensés doivent fuir l’exemple d’une mère vicieuse.

le chœur

Reine, autant que la chose t’est possible, suis mes conseils, et réconcilie-toi avec Andromaque.

Hermione

D’où vient ce langage arrogant ? Oses-tu te mesurer en paroles avec moi, comme si toi seule étais chaste et que je ne le fusse pas ?

Andromaque

Ce n’est pas du moins dans le langage que tu viens de tenir.