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Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/470

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tienne seule peut soutenir une telle entreprise : elle sait plaindre le malheur, elle a en toi un chef jeune et vaillant : que de cités ont péri, faute d’un bon chef  !


LE CHŒUR

Moi aussi je t’adresse la même prière, Thésée ; prends pitié de mes infortunes.


THÉSÉE.

J’ai souvent discuté cette question : on a dit que dans la vie le mal l’emporte sur le bien. Pour moi, je soutiens l’opinion contraire, que le bien l’emporte sur le mal parmi les hommes. S’il n’en était ainsi, nous ne serions pas au monde. Je rends hommage au dieu qui fit succéder à la vie grossière et sauvage des brutes une vie régulière, d’abord en nous douant d’intelligence, et en nous donnant la langue, messagère des paroles et interprète de la pensée, des fruits pour nous nourrir, et la rosée céleste pour alimenter les fruits de la terre et féconder son sein ; et en outre, des abris contre les rigueurs de l’hiver et contre les ardeurs du soleil, l’art de naviguer sur les mers, pour nous procurer par des échanges les productions qui manquent à chaque contrée. Enfin, ce qui nous est obscur, ce qui se dérobe à notre connaissance, les devins nous le prédisent par l’inspection du feu, des entrailles des victimes, et du vol des oiseaux. N’est-ce pas une prétention excessive de notre part, quand Dieu répand sur notre vie une telle abondance de biens, de ne pas nous en contenter ? Mais notre orgueil veut être plus fort que Dieu, et, dans l’arrogance de notre esprit, nous nous croyons plus sages que lui. Toi-même tu parais être de ce nombre, et fort peu sage ; toi qui, enchaîné par l’oracle d’Apollon, as donné ainsi tes filles à des étrangers, comme ne doutant pas de l’existence des dieux, et n’as pas craint de ternir l’éclat