Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/61

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 prévoyant déjà la chute de Troie, m’envoya, pour relever dans mon palais. Je l’ai fait périr : or, écoute pourquoi, et avec quelle sage prudence j’ai agi. J’ai craint que cet enfant, ton ennemi, échappé au carnage, ne rassemblât les restes de Troie, et ne repeuplât ses murs ; que les Grecs, instruits qu’un fils de Priam vivait encore, ne fissent une nouvelle expédition contre la terre des Phrygiens, et ne vinssent ensuite ravager les champs de la Thrace ; que le malheur des Troyens ne rejaillit encore une fois sur leurs infortunés voisins. [1145] Hécube a su la mort de son fils ; elle m’a attiré ici par ruse, sous prétexte de m’indiquer les lieux où étaient enfouis à Troie les trésors des Priamides : elle m’introduit seul avec mes enfants dans sa tente, pour que nul autre ne connût son secret. Je m’assois au milieu du lit, en fléchissant le genou ; une foule de jeunes Troyennes s’empressent de tous côtés auprès de moi, comme auprès d’un ami, tenant leurs navettes dans leurs mains (45), et regardant mes vêtements, elles en louaient l’éclat ; les autres regardaient mon javelot de Thrace, et me dépouillent de ma double parure (46). Toutes celles qui étaient mères, comme frappées d’admiration, berçaient mes fils entre leurs bras, et, pour les éloigner de leur père, se les passaient dé mains en mains. Et ensuite, le croirez-vous ? après ces douces paroles, elles tirent de dessous leurs robes des poignards, et percent mes enfants ; les autres, en ennemies furieuses, me saisissent les pieds et les mains. Voulant secourir mes enfants, si j’essayais de lever la tète, elles me retenaient par les cheveux ; si je remuais les mains, leur nombre rendait mes efforts impuissants. Enfin, pour