Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/177

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Ta fille Polyxène a été immolée sur le tombeau d'Achille, offerte en don à un cadavre sans vie.

HÉCUBE.

Ah! malheureuse! c'est donc là cette énigme que Talthybius m'annonçait en termes obscurs ?

ANDROMAQUE.

Dès que je l'ai vue, je suis descendue de ce char, je l'ai enveloppée de voiles, et j'ai fait entendre mes lamentations sur son corps.

HÉCUBE.

Hélas! hélas! ma fille! O sacrifice abominable! Ah! quelle mort funeste !

ANDROMAQUE.

Sa mort est ce qu'on l'a faite ; mais telle qu'elle est, cette mort est préférable à la vie qu'on me laisse.

HÉCUBE.

Ah ! ma fille, être vivant ou être mort, n'est-ce pas la même chose ; l'un n'est plus rien, l'autre a encore l'espérance.

ANDROMAQUE.

[634] Ô ma mère, écoute de belles paroles que j'ai entendues, et qui pourront soulager ta douleur. Ne pas naître équivaut à mourir; mais mourir vaut mieux que vivre misérable ; car on ne souffre plus, n'ayant pas le sentiment de ses maux. Mais celui qui fut heureux et qui tombe dans le malheur, a le cœur en proie au regret de son bonheur passé. Polyxène est morte, c'est comme si elle n'eût pas vu le jour ; elle oublie torts ses maux. Mais moi, après avoir touché le but et atteint le faîte de la prospérité, je suis retombée dans l'abîme de l'infortune. Car toutes les vertus qu'on peut souhaiter dans une femme, je les ai pratiquées dans la maison d'Hector, d'abord une femme, qu'elle soit