Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/392

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ni Hélénus n’ont jamais dit ni fait entendre à l’armée qu’elle combattait pour un fantôme, et Troie a été détruite sans nécessité. Dira-t-on que les dieux lui avaient imposé silence ? À quoi bon interroger les prophètes ? Offrons aux dieux nos sacrifices, adressons-leur nos prières, et laissons les devins, dont la science n’est qu’un appât trompeur offert à notre crédulité. Jamais homme ne s’est enrichi pour avoir cru aux prophéties, sans travailler. La sagesse et la prudence, voilà le meilleur des oracles.

(Il sort.)

Le Chœur.

Mes sentiments sur les devins sont conformes à ceux de ce vieillard. Celui qui sait s’attirer la faveur des dieux possède la meilleure des divinations.

Hélène.

Il est vrai. Jusqu’ici tout va bien. Mais comment, infortuné, es-tu venu sain et sauf de Troie ? Sans doute, il me servira peu de le savoir ; mais il est un désir naturel aux amis de connaître les malheurs de leurs amis.

Ménélas.

Certes, tu me demandes là bien des choses en une seule question. Te raconterai-je les flots de la mer Égée soulevés par la tempête, et les fanaux trompeurs allumés par Nauplius sur les rochers de l’Eubée, et les rivages de la Crète, et ceux de la Libye, et les retraites de Persée[1], où je fus jeté par les vents ? Mes paroles ne pourraient te satisfaire ; et moi-même, le récit de mes maux renouvellerait mes souffrances, et ce serait doubler mes peines.

  1. Ce sont les côtes occidentales du nord de l’Afrique, où Persée attaqua les Gorgones, et trancha la tête à Méduse, leur reine. Ovide, Mét., l. iv ; Diodore de Sicile, l. iv ; Hérodote, ii, 15.