Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/435

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
435
NOTICE SUR ION.

s’exprimant par la voix d’Ion, gourmande ces mêmes dieux sur leurs vices. « Puis-je m’empêcher, dit-il, de blâmer Apollon ? Abandonner une fille innocente après l’avoir séduite, et laisser mourir l’enfant dont il est le père ! Ah ! cette conduite est indigne de toi ! Et puisque tu règnes sur les mortels, sois fidèle à la vertu. Les dieux punissent parmi les hommes ceux dont le cœur est pervers : est-il donc juste que, vous qui avez écrit les lois qui nous gouvernent, vous soyez vous-mêmes les violateurs des lois ? S’il arrivait (chose impossible, je le sais, mais je le suppose), s’il arrivait qu’un jour les hommes vous fissent porter la peine de vos violences et de vos criminelles amours, bientôt loi, Apollon, Neptune, et Jupiter, roi du ciel, vous seriez contraints de dépouiller vos temples pour payer le prix de vos fautes. En vous livrant à vos passions, au mépris de la sagesse, vous êtes coupables. Il n’est plus juste d’accuser les hommes s’ils imitent les vices des dieux, qui leur donnent de si funestes exemples. »

Dans cette censure pleine de verve, dirigée contre la chronique scandaleuse de l’Olympe mythologique, Euripide est un digne précurseur de Platon, qui fera dans sa République une critique si sévère et si juste des dieux d’Homère.