Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/89

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Iphigénie.

Chères compagnes, je m’abandonne à mes tristes lamentations, aux chants funèbres d’une voix brisée par la douleur, et que n’accompagne point la lyre. Hélas ! hélas ! dans le deuil de ma famille, tels sont les maux qui m’accablent : je pleure la mort d’un frère. Quel songe funeste m’a envoyé cette nuit, dont les ténèbres viennent de disparaître ! Je suis perdue ! je suis perdue ! toute ma race a péri, la maison paternelle n’est plus. Ô infortune d’Argos ! ô destin, tu me prives encore d’un frère, reste unique de ma famille éteinte ; tu l’as envoyé aux Enfers ; c’est pour lui que je prépare ces offrandes funèbres, et que je vais répandre sur la terre ces libations, le lait que donnent les troupeaux des montagnes, la liqueur de Bacchus et le doux labeur des abeilles, présents par lesquels on apaise les mânes. Donnez-moi ce vase d’or et les libations funèbres. Ô toi qui es sous la terre, rejeton d’Agamemnon, j’envoie ces offrandes à tes mânes ! reçois-les ; je ne pourrai déposer sur ta tombe ni ma blonde chevelure, ni mes larmes ; car je suis loin de ta patrie et de la mienne, où l’on me croit couchée parmi les morts, comme une triste victime.

Le Chœur.

J’entonnerai des chants pour répondre aux tiens, ô ma maîtresse, un hymne asiatique avec les accents d’un pays barbare, muse plaintive, agréable aux morts, inspirée par Pluton, et qui ignore les chants d’allégresse. La lumière de la maison des Atrides n’est plus, leur sceptre est brisé ! Ô race de mon père ! à qui appartient donc à présent l’empire des illustres rois d’Argos ? La douleur naît de la douleur. Le soleil, dirigeant ses coursiers rapides, a détourné leur marche, et nous a dérobé sa brillante lumière.