Page:Europe, revue mensuelle, No 171, 1937-03-15.djvu/29

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je ne le revivrai plus. Mais peut-être connaîtrai-je la paix. Est-ce que, déjà, ce n’est plus possible ?

Ah ! je sais une chose, avec certitude c’est que, tant que « ce n’est pas la guerre », alors il est possible d’obtenir la paix, parce que la misère et la mort ne règnent pas, la vie garde ses chances, si on sait — si je sais — en éloigner les poisons, et je sais de quels poisons — mondiaux — il s’agit.

Je viens de relire ces quelques pages. Elles disent tout, et disent peu de mon état ; elles l’éclairent et le trahissent. Mieux vaut, cependant, les avoir écrites. Tant pis pour la confusion, qu’elles révèlent. Comment ne pas être confus ? Et ai-je eu le souci d’écrire ? Certes non. Je me cherche, parce que je me sens comme absent de moi-même. Que ne suis-je au travail, contraint à un effort précis et réel. Tandis que le monde s’écroule autour de moi. Mais quoi, suis-je responsable de cette tragédie, cette comédie, est-ce que de toute ma pensée je n’ai pas lutté contre elle, et exactement comme il convenait ? Les hommes et moi nous sommes quittes, qu’ils me prennent ma vie — hélas ! — je n’en garde pas moins ce qui fait l’essentiel de moi-même.

À écrire ainsi, vite on tombe dans la confusion et le galimatias. Mais mieux vaut courir — quelquefois — ce risque, que de se laisser envahir par le vide, se laisser engourdir, demeurer dans une torpeur d’où l’on croirait pouvoir sortir un jour. Et en sortir, ce serait précisément comme je fais, cet acte d’écrire (encore que je ne me berce pas d’illusions).

Souvent, je m’étends sur mon lit, et je m’efforce de fixer mon esprit sur un souvenir, un événement précis de ma vie. Mais bientôt d’autres pensées m’assaillent, venues je ne sais d’où, et me voilà si loin de ma pensée première. Je rêvasse. Presque incapable de suivre avec force et longuement une pensée. Cela est commun, et banal, sans doute. Décourageant. Je ne puis lutter avec succès que si j’écris.