Page:Europe, revue mensuelle, No 95, 1930-11-15.djvu/85

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l’Asie, les transports de troupes, les destroyers à museaux de requins s’ancraient en face du bâtiment gothique de la douane, les hommes d’équipage prenaient le frais le soir sur la plate-forme des porte-avions. À Aden les bataillons sortaient de leurs casernes comme des guêpes d’un guêpier, le silence prenait ses quartiers au club du Second Régiment de Devon que je voyais de ma fenêtre : finies les band nights où l’orchestre jouait le God Save the King et la Marseillaise qui allaient éveiller des échos dociles et ignobles dans le cœur des négociants en café et en pétrole. On lisait les dépêches de l’Eastern pour avoir des nouvelles de la Chine.

Ces accessoires suffisent peut-être à indiquer la portée de la vie des hommes à Aden.

Voici ce qu’il y avait à comprendre : Aden était une image fortement concentrée de notre mère l’Europe, c’était un comprimé de l’Europe. Quelques centaines d’Européens ramassés dans un espace raccourci comme un bagne, 5 milles de long, 3 milles de large, reproduisaient avec une extraordinaire précision les dessins qui composent à une plus large échelle les lignes et les rapports de la vie dans les terres occidentales. Le levant reproduit et commente le ponant.

On a sous les yeux une sorte de plan qui traduit fidèlement son modèle, comme les portulans de la Renaissance et les dessins symboliques que composent patiemment les moines des monastères bouddhistes. Tout est décanté jusqu’à l’essence, tout ce qui allongeait la solution évaporé.

Il demeure un résidu impitoyable, descriptible et sec.

Le petit nombre d’hommes engagés dans les courroies de transmission de cette machine encore complexe, permet de saisir la signification de l’existence européenne si souvent dissimulée par la multi-