Page:Europe (revue mensuelle), n° 123, 03-1933.djvu/103

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avec une femme que vous avez d’abord battue. Moi, j’aime faire cela avec une femme que j’ai d’abord caressée. Question de goût, mon ami. »

— Et où couche-t-il dans le « Bureau » ?

— Sur le banc qui est en dessous de la fenêtre de la pièce contiguë au Bureau.

— Pourquoi pas dans cette pièce même. J’y ai aperçu un bon divan.

Mikhaïl sourit :

— Tu veux tout savoir dès le premier jour de ton arrivée. Eh bien, cette pièce est louée par Cristin seul. C’est soi-disant pour des colloques avec ses socialistes mais, en réalité, c’est son pied-à-terre pour des amours extra-conjugales. Il aime bien les jolies servantes.

— Ah, le coquin ! Il fait cela, étant marié et père ? Et vertueux socialiste ? Mais je ne lui en tiendrai pas rigueur. Je comprends ça. Moi aussi j’aime bien les jolies femmes, même celles qui ne sont pas des servantes. Seulement il m’est toujours pénible de les aborder. C’est une adresse qui me fait défaut.

— Cristin, lui, la possède au superlatif. C’est un coq, un diable ! Aux plus belles filles qui défilent dans le « Bureau », il a toujours quelque chose à dire en particulier. Mais seul le divan en est le témoin.

— Tiens ! C’est très sympathique. J’aime l’amour. D’ailleurs, tu l’aimes autant.

— Et, comme toi, je suis stupide devant la plus stupide des jolies filles. Il y a quelques jours, Cristin m’en a soufflé une bien mignonne. Pourtant il lui eut été facile de me la laisser, celle-là. Mais il m’a dit, après coup, que je l’avais trop… « tourmentée » ! Lui, il en a fait une bouchée.

Devant le « Bureau », Adrien remarqua que la lumière du réverbère était diminuée de moitié. La rue ne montrait plus que des façades noirâtres, le long desquelles glissait, presque invisible, le gardien public. Au moment d’entrer, ils entendirent des voix dans le « Bureau ».

— Tu vois ? chuchota Mikhaïl, Léonard est là. Ça fait la troisième nuit de suite que la garce lui refuse son toit. Pauvre homme ! Ne te mêle pas de leur conversation. Il a toujours