Page:Europe (revue mensuelle), n° 123, 03-1933.djvu/125

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partie de la commission de sécularisation des biens monastiques et… Et je ne dis plus rien.

Un pauvre vieux qui était là avec sa femme, cherchant une place pour eux deux ; témoigna à son tour :

— Je la connais moi aussi. L’année dernière, elle nous engagea, moi et trois autres copains, pour lui scier, fendre, et ranger à la cave deux wagons de bois de chauffage. Elle a tellement marchandé que nous avons convenu de travailler, moitié pour de l’argent, moitié pour la nourriture. Et non seulement nous n’avons pas connu le goût de son pain, mais elle a même refusé, oui refusé, de nous payer presque les trois-quarts de la somme due disant que nous n’avions pas besoin de « tant d’argent ». Ce n’est pas tout. Un de mes camarades s’est entêté à vouloir réclamer son dû, coûte que coûte, et un jour il s’est permis de vociférer un peu devant sa porte. Elle a fait appeler le gardien qui l’a conduit au poste où on lui a cassé deux côtes. C’était écrit dans le certificat médical.

— Et on n’a rien pu obtenir avec ce certificat ? demanda Nitza qui semblait outré de ce qu’il venait d’entendre.

— Comment, obtenir ?

— Mais en justice, nom de Dieu !

Le vieux sourit tristement :

— En justice… Quelle justice ? Vous n’êtes pas de ce pays ! Un coupeur de bois, aller en justice contre un policier et une dame Stoenesco ! Vous plaisantez !

— Pourtant, il y avait un certificat médical !

— Ah, oui, le certificat ! Bon pour se torcher le derrière avec ! Et Marine a bien fait de le remettre, contre une thune, à un type qui était venu le voir à sa sortie de l’hôpital. J’en aurais fait autant !

— Vous entendez, Monsieur Léonard ? dit Cristin. Jolie espèce de dame « estimée », votre cliente. Et qu’est-ce qu’elle est venue demander ?

Léonard ne répondit pas. Une grosse femme s’esclaffa :

— Ha ! ha ! Elle veut une cuisinière croyante, qui ne la vole ni ne mente ! Eh oui, nous faisons toutes de la gratte, mais ce n’est pas sur l’argent de nos patrons, c’est sur le prix des marchandises que nous allons débattre comme des folles, au grand marché, à des heures indues.