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Page:Europe (revue mensuelle), n° 124, 04-1933.djvu/107

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toutes confectionnées : le développement industriel, parvenu un jour à son point culminant, créera le prolétariat et lui inculquera une conscience de classe qui, le moment venu, lui fera renverser le capitalisme que remplacera la société socialiste. Et alors tout ira pour le mieux. Il ne faut donc regarder qu’à une chose : s’organiser. L’individualiste n’accordait à ces théories qu’une foi limitée. Il observait l’homme destiné à cette tâche et lui trouvait des faiblesses morales capitales. Il prétendait que l’organisation ne suffit pas pour faire la révolution et que, même si cela était, l’ordre nouveau qu’on instaurerait ne serait pas bien différent de l’ancien, si le prolétaire est tout aussi avide de bonne vie bourgeoise que le bourgeois même. On aurait une société socialiste corrompue, immorale et injuste, où l’égalité ne serait qu’un mot. Il fallait par conséquent s’attacher bien plus à moraliser l’homme qu’à simplement l’incorporer et le bourrer de théories qui n’exigent de lui qu’une solidarité dépourvue de toute obligation morale.

C’était là une façon de penser chère à Adrien également.

Un autre sujet d’âpres débats était le rôle du machinisme dans le monde à venir. Les socialistes genre troupeau lui attribuaient des vertus infaillibles et qui feraient le bonheur du prolétariat. Celui-ci n’aura plus de besognes pénibles à exécuter. Tout sera fait par la machine. Même dans la société capitaliste les conditions techniques du travail forment un des points les plus importants du programme socialiste. Exemple l’Allemagne, où les puissantes organisations ouvrières, avec l’aide d’une technique toujours plus parfaite, ont assuré au prolétariat une vie digne de l’homme. Les usines allemandes sont propres comme des pharmacies. Le travail y est facile. Le nombre des heures de travail toujours plus réduit. Voilà l’idéal.

Cristin était l’apologiste du système dans les réunions fortuites qui avaient lieu le soir, de préférence chez les plapamari, où les chômeurs et les affamés trouvaient régulièrement du thé, du pain et du fromage dont on pouvait goûter sans avoir l’air de rien. Il exaltait les bienfaits de la technique moderne, le jour où celle-ci passerait entre les mains des socialistes :

— Bien des produits de première nécessité sont aujour-