Page:Europe (revue mensuelle), n° 124, 04-1933.djvu/95

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On fit les présentations, quand Adrien sentit le regard du vautour — un regard paisible mais de vautour — se poser sur son agnelle. Cela lui plut. On peut toujours avoir affaire à l’homme complet. Bien plus utilement qu’aux vertueuses larves humaines.

Alloman demanda :

— Réussie, notre fête, hé, amis ? Que dites-vous de ce populo ? Je vous vois un peu malmenés : vous vous êtes sûrement bien divertis, pêle-mêle avec la foule.

— Plus que vous, qui me semblez assez solitaire, répartit Adrien.

— Ce qui prouve que la masse est digne des adhésions les plus honorables, voire d’hommes farouchement jaloux de leur indépendance.

— Ça, c’est une pierre dans mon jardin ! Mais, dites : vous aussi, vous n’admettez que des adhésions formelles ? Ne peut-on aimer et servir sans être du nombre ?

— Question complexe. Je l’admets et je ne l’admets pas. Je ne puis entamer cette controverse ici, dans un bois en obligeant une aimable dame à nous écouter debout.

— Eh bien, c’est simple : mes amis et moi, nous sommes prêts à vous suivre là où il vous semblera à propos d’aborder une telle controverse. Avec vous, cela est pour moi d’une importance capitale.

— Vrai ? Et si je vous prouve que ma thèse est la bonne, me promettez-vous d’en tirer la juste conséquence ?

— Vous voilà déjà qui avancez votre étau ! Malheur à moi ! Que vous dire ? Je vous promets de mettre, sous vos yeux, mon cœur à nu. Vous l’admettrez ou non.

— Ha, ha ! Vous offrez donc à mon « étau » votre sincérité absolue. C’est un piège ! Mais je l’accepte. Et, pour aujourd’hui — car j’espère que nous sortirons amis de ce débat — je ne vous demande aucune promesse. Je suis amicalement curieux de voir votre cœur de près, quoique je le connaisse pas mal par vos brillants articles, qui eussent fait meilleure mine dans l’organe du Parti.

— Où ils n’auraient trouvé que cinq cents lecteurs !

Alloman se cabra :