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— Si ! répondit Adrien. J’y vais, moi. Mais il faut payer la « taxe » tout de suite.

— Et si vous ne restez pas même huit jours au service ? Car, vous savez, c’est assez dur.

— Je vous garantis quinze jours d’essai et, si je pars au bout de ce terme, vous me retiendrez la « taxe ».

— À cette condition, je paie. Combien ?

— Dix francs.

La femme mit l’argent sur le secrétaire :

— J’ai une commission à faire. Dans une heure, je repasse ici, vous chercher.

— Mon pauvre ami ! dit Léonard, la vieille partie. Vous ne savez pas de quoi il est question. C’est un gros vieux ankylosé, qu’il faut, deux fois par semaine, soulever dans vos bras, mettre dans la baignoire et frotter pendant deux ou trois heures, car il souffre encore d’une maladie de la peau. Personne n’y reste. Cette femme, qui est sa ménagère, court tous les mois les bureaux de placement. On la connaît. Je vous conseille de ne pas y aller. Vous n’y résisterez pas. C’est une sale besogne.

— C’est égal. J’y vais quand même.

— Alors… Je comprends : c’est pour me faire toucher ces dix francs.

— Et aussi parce que la liberté ne me dit rien en ce moment. Je m’ennuie. Je veux faire quelque chose, n’importe quoi. J’irais baigner même des porcs.

La bouche de Léonard esquissa une grimace. Il posa lentement son front sur le dos de ses deux mains réunies, les bras affalés sur le bureau.


IX


Le vieillard solitaire de la rue du Général Ipatescu n’était pas précisément un malade. Plutôt un infirme. Il s’appelait Dumitrescu. Boyard avorton. Riche. Grand collectionneur de papillons.

Adrien vit un homme respectable, très âgé, à la belle barbe blanche, et chauve. Il était au lit, assis sur son séant, en chemise de nuit, entre de gros coussins. Depuis vingt ans