Page:Europe (revue mensuelle), n° 125, 05-1935.djvu/111

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— Merci !

— Et si tu ne marches pas, il te rendra la vie dure ! C’est pourquoi aucun valet ne reste plus d’un mois.


La vie du domestique chez cet infirme n’était pas mauvaise. Le travail, quoique dégoûtant, était faisable. Le « grattage » du soir demandait au valet de veiller jusqu’à minuit, quand le malheureux vieillard se mettait à nu et offrait aux ongles de son infirmier toutes les parties de son corps, parcelle par parcelle. C’était toute une opération, qui durait une heure. Et qui exigeait de la patience, de l’adresse. On y allait, le long de la partie traitée — dos, poitrine, cuisse ou jambe, — avec les deux mains à la fois, collées aux pouces, et non pas en tirant à soi, ce qui eût occasionné des « brûlures », mais en poussant avec tous les huit ongles, droit en avant, ce qui « satisfaisait la démangeaison » et apportait le soulagement nécessaire au sommeil. La peau perdait ainsi une couche de pellicules irritantes, pareilles à du son. À la fin de la séance, on en ramassait dans le drap une bonne poignée. Pendant la journée, le patient se grattait tout seul, avec ses pauvres doigts tordus, aux ongles énormes. Quand le « grattage » était exécuté irréprochablement, M. Dumitrescu geignait de plaisir et bénissait la vie. Alors, il régalait Adrien de fruits confits, dont tous deux étaient friands. Mais il y avait des soirs où cette opération n’allait guère au rythme voulu, et alors Adrien était traité avec de violents coups d’ongle dans ses bras nus. Il en sortait parfois couvert de petites blessures saignantes très envenimées.

Les bains de la nuit étaient fatigants, plutôt à cause du besoin de dormir. On transportait la baignoire dans la chambre du malade, en prenant toutes les précautions pour ne pas salir le beau tapis. On la remplissait et on la vidait, au moyen de seaux. Après que le corps avait trempé une demi-heure, commençait le frottement avec les pouces, centimètre carré par centimètre carré. La peau s’en allait, comme du fromage râpé. C’était long, ennuyeux. Le vieillard ne finissait jamais de tâter son corps et de montrer les endroits insuffisamment nettoyés.

— Ici… Ici aussi… Là, encore un peu…