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Page:Europe (revue mensuelle), n° 14, 02-1924.djvu/3

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Oncle Anghel


Trois, Seigneur, et tous les trois ! »



L’oncle Anghel était le puîné dans la famille de ma mère.

Une tragique destinée s’était abattue sur lui ; elle avait fait d’un homme enthousiaste et croyant un morose et un impie. Enfants de paysans asservis à la terre du boyard, les quatre frères et sœurs n’avaient pour toute propriété que les poutres de la chaumière paternelle, les arbres fruitiers et la vigne. La terre ne leur appartenait pas. Ainsi, ils s’éparpillèrent, sauf le cadet qui resta près de la mère veuve. Les deux sœurs partirent les premières, vivre en concubinage avec deux Grecs aisés qui se moquaient du mariage légal ; et le garçon Anghel alla à la ville voisine, Braïla, s’embaucher, à neuf ans, chez un marchand de vin : car il avait, dès l’enfance, une profonde aversion pour le travail de la terre d’autrui. Il resta dix ans chez le même patron, homme probe, qui le gratifia largement pour ses services. Rentré dans son village, il tomba éperdument amoureux de la plus belle et plus pauvre fille de la contrée, qu’il épousa aussitôt. Il fut exempté du service à cause de sa myopie, acheta un peu de terre et s’établit cabaretier sur le grand chemin de Galatz, à la sortie du village. Il fut heureux dans son commerce. Les suites favorables de la