Page:Europe (revue mensuelle), n° 97, 01-1931.djvu/70

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minuit juste, il fit monter sa femme dans le dog-car, empoigna les brides et disparut avec elle, par surprise. Il l’avait emportée, en effet, « rien qu’avec sa chemise ».

Très discret, il la conduisit dans le riche appartement qu’il lui avait aménagé et se retira promptement, avec un baiser gauche, mais sincère, sur la main. Ce fut pour Minnka une surprise qui ne manqua pas de l’émouvoir. Elle médita sur elle une partie de la nuit et s’endormit en se disant qu’après tout, le tragique n’était peut-être pas tel qu’elle se l’était imaginé.

Le lendemain à dix heures, elle était encore dans son lit parfumé, quand Zamfir vint miauler à sa porte :

— Tsatsika… Tu dors ? Je suis là et ne sais que faire.

Zamfir était là, comme les deux familles l’avaient décidé : le frérot accompagnera sa sœur, servira dans la taverne et, qui sait, fera peut-être carrière.

Minnka s’enveloppa dans une belle robe de chambre, ouvrit au petit et l’embrassa tendrement. Peu après, une vieille domestique vint, un gros plateau sur les bras, apporter « à madame », son petit déjeuner. Zamfir s’en était déjà gavé. Il regardait sa sœur, la chambre, les meubles, le linge, les vêtements féminins qu’étalait une grosse armoire ouverte, et semblait ne pas en croire ses yeux. Minnka, songeuse, déjeunait, et, de temps en temps, lui souriait, lointaine, puis :

— Où est-il ? demanda-t-elle à son frère.

— Il est dans la cour, tout plein de poussière ! débita Zamfir tout d’un trait.

Le regard vague, elle parut ne pas comprendre. L’enfant expliqua :

— C’est une cour, dix fois plus grande que la nôtre et bondée de chars à céréales. Nénika Sima court d’un char à l’autre, tout le temps, pendant qu’on