Page:Europe (revue mensuelle), n° 97, 01-1931.djvu/75

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Là-dessus, un hiver impitoyable et sauveur vint tout engourdir.

Minnka tomba elle-même dans une sorte d’engourdissement. Pendant un mois, personne ne vit son visage. Elle garda sa chambre, absente, muette, prenant à peine quelque nourriture et maigrissant à vue d’œil. Elle s’ennuyait de son village, de l’Embouchure, de la vie pénible même qu’elle y avait menée. Un jour, elle demanda à son époux de la laisser partir.

Sima fut pris d’une peur mortelle, mais, homme pratique, il tourna le danger. Il alla promptement charger dans deux voitures Catherine, — l’amie et la jeune tante de Minnka, — son enfant et tous ses meubles, qu’il installa dans l’appartement même de sa femme. Celle-ci fut folle de joie. Catherine, dont la vie n’était pas non plus bien gaie, en fut aussi heureuse, malgré son caractère indépendant. Les deux garçons, Zamfir et Toudorel, se retrouvant, contribuèrent par leur bonheur enfantin à créer une atmosphère familiale aux deux femmes qui les chérissaient. Sima en récolta, pour quelque temps, les bénéfices.

La taverne-restaurant-épicerie de Sima Caramfil était une véritable usine. Jour et nuit comble de monde, elle ne fermait que trois heures sur vingt-quatre, de une à quatre heures du matin. Les trois secteurs de cette usine communiquaient entre eux par des arcades béantes. La taverne, telle une reine, en occupait le centre et formait l’angle de la rue et du boulevard. Le restaurant et l’épicerie formaient ses flancs. Du milieu de la taverne, où trônait le comptoir, l’œil embrassait tout :

On pouvait croire que Sima était cet œil.

Non ! il l’avait été. Puis, conformément aux lois