Page:Europe (revue mensuelle), n° 98, 02-1931.djvu/97

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piter les gens dans la rue. Le cavalier, le visage en feu, les yeux hors de la tête, ne s’arrêtait pas. Il continuait son chemin en claquant du fouet et en criant :

— Fuyez, bonnes gens ! Le Sereth vient de rompre les digues de Vaméshou et de Cotolung. Ce soir, l’eau sera en bas du plateau !

Il traversa tout le village, jusqu’à son autre extrémité, répétant sa sinistre nouvelle, puis, s’arrêtant net devant une assemblée de paysans, il essuya son front et ajouta, badin.

— C’est encore cette sacrée garce de Bistritsa qui a mis notre prince le Sereth dans tous ses états ! Ah, les femmes ! Ne m’en parlez pas !

Et il se jeta comme une flèche vers Piétroï.

Entrés par le Danube dans l’Embouchure, les pontonniers du génie arrivèrent avant midi au secours des biens du boyard Mândresco, entièrement enfouis sous l’eau, tandis que dans le village, des équipes de soldats déchargeaient du train un grand matériel de sauvetage : bois pour la construction de radeaux, sacs pour le chargement des grains, et même des barques.

Une armée de gaillards, soldats et civils, en chemise et caleçon, se démenait au milieu d’un tapage qui affolait les vieilles femmes. Tout ménage manquant de voiture construisait son radeau. D’autres, qui n’en manquaient pas, mais dont l’inutile fouillis débordait la capacité de plusieurs carrioles en construisaient également un. Et on y jetait dessus, pêle-mêle, tout ce qui tombait sous la main d’un homme pris de panique : vieux outils agricoles, objets de cuisine hors d’usage, roues de char disloquées, fagots de jonc, portes et fenêtres de la chaumière, bois de charpente, fourrage,