Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/224

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nos poumons l’air frais du matin et nous récréant à considérer le mouvement du port et les figures réjouies d’une foule de badauds, pour lesquels nous étions le spectacle le plus étonnant qu’ils eussent jamais vu. Du reste, pas un matelot, pas un marin, ni sur ni dans la barque. Il n’y avait qu’un vieux Chinois pelotonné à côté de la barre du gouvernail et qui paraissait se préoccuper fort peu des choses d’ici-bas et probablement encore moins de celles de l’autre monde. Il avait le menton appuyé sur les genoux qu’il tenait embrassés de ses deux mains. Depuis que nous étions arrivés, il n’avait pas quitté un seul instant cette belle et confortable attitude. Nous lui demandâmes si nous ne partirions pas bientôt. Alors il se leva et nous dit en regardant le ciel : Qui est-ce qui sait cela ? moi, je ne suis pas patron, je suis le cuisinier. — Où est donc le patron ? où sont les matelots ? — Le patron est chez lui et les mariniers sont au marché. Sur ces informations, nous reprîmes, nous, notre promenade, et le vieux cuisinier sa posture favorite. Un Européen encore novice dans le Céleste Empire n’eût pas manqué de s’impatienter beaucoup et de faire un peu de mauvais sang, l’occasion était assurément bien favorable.

Enfin, après deux longues heures d’attente, les mariniers, s’étant sans doute souvenus qu’ils avaient une jonque dans le port, arrivèrent tranquillement les uns après les autres. Le patron fit appel, et l’équipage s’étant trouvé au complet, on amena la planche qui allait du pont au rivage. C’était déjà quelque chose ; mais il s’en fallait bien que nous fussions encore prêts à partir. Nos deux mandarins étant sortis de leur tanière à opium