Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/249

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l’éclairage ; on est si éloigné de s’en servir pour assaisonner les mets, qu’un jour, nous trouvant dans une chrétienté aux environs de Péking, et voulant en faire prendre une légère dose à un de nos confrères qui était malade, tous les chrétiens cherchèrent à s’y opposer, parce que, disaient-ils, cette huile était un poison. Nous ne nions pas, malgré cela, qu’il ne soit arrivé à des Européens de trouver à Canton des dîners à l’huile de ricin ; mais il est évident pour nous qu’ils ont été victimes d’une atroce mystification, et qu’au moment même où ils se croyaient en droit de railler le goût extravagant des Chinois, ceux-ci devaient bien rire de la prodigieuse ingénuité des Européens.

On ne saurait disconvenir, pourtant, qu’un festin vraiment chinois ne peut être qu’un tissu de bizarreries aux yeux d’un étranger peu réfléchi et s’imaginant qu’il ne peut exister, pour tous les peuples du monde, qu’une seule manière de manger. Ainsi, commencer par le dessert et finir par le potage ; boire le vin chaud et tout fumant dans des godets en porcelaine ; se servir de deux petites baguettes en guise de fourchette pour saisir les mets qu’on apporte coupés, à l’avance, par menus morceaux ; employer, au lieu de serviettes, de petits carrés de papier soyeux et colorié dont on place une provision à côté de chaque convive et qu’un domestique emporte à mesure qu’on s’en est servi ; quitter sa place, dans l’intervalle des services, pour fumer ou se distraire un peu ; élever les baguettes à la hauteur du front et les placer horizontalement sur sa tasse pour annoncer à la compagnie qu’on a fini de dîner ; voilà autant de particularités capables d’exciter la curiosité des Euro-