Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/281

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Cet étrange attelage était recruté le long de la route d’une façon un peu tyrannique, mais conforme aux habitudes du pays. Quand on apercevait des cultivateurs aux champs ou des bûcherons dans les forêts, les satellites de l’escorte couraient après, et, s’ils pouvaient les atteindre, ils les requéraient au nom de la loi, de venir traîner le convoi l’espace de cinq lis[1]. C’était un bizarre spectacle que de voir les stratagèmes mis en usage dans cette chasse d’un genre tout à fait nouveau pour nous. Quand les fuyards se trouvaient cernés par les évolutions savantes et agiles des gens des mandarins, ils se rendaient à discrétion, et venaient, en riant, se soumettre à cette malencontreuse corvée. Nous fûmes d’abord peinés de voir ces pauvres villageois, arrachés à l’improviste à leurs travaux, pour nous apporter gratuitement le secours de leurs bras et de leurs jambes ; mais nous dûmes laisser aller les choses conformément aux usages du pays, car nous n’étions nullement chargés de réformer, chemin faisant, les abus que nous pourrions rencontrer dans le Céleste Empire.

Avec l’assistance de Dieu, nous nous tirâmes heureusement de tous les mauvais pas de la route. Nous arrivâmes à Leang-chan-hien accablés de fatigue ; nous avions eu, il est vrai, bien moins de peines physiques à endurer que nos porteurs ; mais, au moral, nous avions beaucoup plus souffert qu’eux. Nous sentions même tous nos membres comme brisés de lassitude, quoique nous n’eussions fait à pied, tout au plus, qu’une centaine de pas. La gêne et la contrainte que nous avions été obli-

  1. Une demi-lieue.