Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/286

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lettre, et se dirigea vers notre chambre : le mandarin militaire que nous avions pris à Tchoung-king l’y suivit. Quoiqu’il eût bien choisi son temps pour ne pas être aperçu, nous remarquâmes sa démarche, et aussitôt que nous fûmes libres, nous courûmes à notre chambre pour y inspecter notre audacieux surveillant. Nous le trouvâmes en flagrant délit, lisant la lettre et fouillant le paquet qui étaient à notre adresse. Dès qu’il nous aperçut, il voulut s’esquiver avec les objets dont il venait de s’emparer ; mais nous lui barrâmes le passage, et, après l’avoir refoulé au fond de la chambre, nous fermâmes la porte et nous nous élançâmes sur lui en criant : Au voleur ! Lorsqu’il vit que nous saisissions une grosse corde pour le lier, il appela au secours, et alors tout ce qu’il y avait de monde dans le palais communal se précipita en tumulte vers notre chambre.

Ailleurs, nous eussions ri volontiers de cette singulière aventure ; mais, en Chine, il fallait en cette circonstance, éclater en colère et en indignation ; nous n’y manquâmes pas. Le paquet étant à notre disposition, il fut ouvert, et nous y trouvâmes des fruits secs et quelques colliers odorants qu’une famille chrétienne avait eu l’aimable attention de nous offrir. La lettre n’était pas plus compromettante : elle était ainsi conçue :

« L’humble famille des Tchao se prosterne jusqu’à terre devant les Pères spirituels originaires du grand royaume de France, et les prie de faire descendre sur eux la bénédiction du ciel. C’est par la volonté miséricordieuse de Dieu que nous avons obtenu votre précieuse présence dans notre pauvre et obscure contrée. Bientôt nous serons séparés par les fleuves et les