Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/292

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était splendidement éclairée par de grosses lanternes en papier de diverses couleurs. Une multitude de curieux, parmi lesquels devaient se trouver un grand nombre de chrétiens, encombrait le fond de la salle. Les principaux mandarins de la ville, et nos trois conducteurs, se trouvaient, à la partie supérieure, sur une estrade élevée, où on avait disposé plusieurs siéges devant une longue table. Aussitôt que nous fûmes arrivés dans ce sanctuaire de la justice, les magistrats nous firent l’accueil le plus gracieux, et le préfet nous dit qu’il fallait prendre place aussitôt, pour commencer vite le jugement. La situation était critique. Comment allait-on se placer ? Personne ne paraissait bien fixé sur ce point, et notre présence semblait donner au préfet lui-même des doutes sérieux au sujet de ses prérogatives ; il avait bien sur le devant de sa tunique de soie violette un dragon impérial richement brodé en relief ; mais nous portions, nous, une belle ceinture rouge. Le préfet avait un globule bleu, et nous autres, nous étions coiffés d’un bonnet jaune. Après quelques instants d’hésitation, nous nous sentîmes une telle surabondance d’énergie, que nous éprouvâmes le besoin de diriger nous-mêmes les débats. Nous allâmes donc nous installer fièrement sur le siége du président, et nous assignâmes à nos assesseurs la place qu’ils devaient occuper à droite et à gauche, chacun suivant le degré de sa dignité. ll y eut dans l’auditoire un petit mouvement d’hilarité et de surprise qui n’avait pourtant aucun caractère d’opposition. Les mandarins se trouvèrent, du coup, complétement désorientés, et se placèrent, comme des machines, selon qu’il leur avait été dit.