l’auteur, qui, du reste, n’a pas jugé à propos de signer ses chefs-d’œuvre. On lit, en Chine, à peu près comme lorsque, pour se distraire, on va faire une promenade dans un beau et agréable jardin. On admire l’arrangement des allées, la verdure, les arbres, l’éclat et la variété des fleurs ; mais c’est là tout, on s’en retourne sans s’être occupé du jardinier, sans même avoir songé à demander son nom.
Les Chinois sont pleins de vénération pour les livres sacrés et classiques. Leur estime pour les grands ouvrages d’histoire et de morale est, en quelque sorte, un culte, le seul, peut-être, qu’ils professent sérieusement, parce qu’ils sont habitués à considérer les belles-lettres par leur côté grave, sérieux et utile. Pour ce qui est de cette classe de littérateurs que nous nommons écrivains, ils ne sont, à leurs yeux, que des désœuvrés, qui cherchent à passer le temps en s’amusant à faire des vers ou de la prose. On n’y trouve, assurément, rien à redire, puisque tel est leur plaisir. On est même assez juste pour convenir qu’il vaut autant se récréer en maniant le pinceau qu’en jouant aux osselets ou au cerf-volant ; cela dépend de l’attrait de chacun.
Les habitants du Céleste Empire ne pourraient revenir de leur étonnement, s’ils savaient jusqu’à quel point une œuvre de style est, en Europe, une source d’honneur et souvent de richesse. Si on leur disait que, chez nous, il suffit quelquefois d’avoir composé un roman ou un drame pour avoir droit à une grande célébrité, ils ne voudraient pas le croire, ou plutôt ils trouveraient, peut-être, que cela s’accorde merveilleusement avec l’idée qu’ils ont de notre manque de jugement.