Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/430

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posèrent, en quelque sorte, dans la racine même de leur pouvoir un germe empoisonné, qui devait se développer insensiblement et porter ses fruits de dissolution. Les magistrats et les fonctionnaires, n’ayant à passer que quelques années dans le même poste, y vivent comme des étrangers, sans s’inquiéter des besoins des populations qu’ils administrent ; aucun lien ne les attache à elles, tout leur souci consiste à ramasser le plus d’argent possible, à recommencer ensuite ailleurs la même opération, jusqu’à ce qu’ils puissent aller enfin dans leur pays natal jouir d’une fortune extorquée en détail dans toutes les provinces. On a beau crier contre leurs injustices et leurs déprédations, maudire leur administration, peu leur importe ; ils ne font que passer ; demain ils s’en iront à l’autre extrémité de l’empire où ils n’entendront plus les cris des victimes qu’ils ont dépouillées.

Les mandarins sont ainsi devenus égoïstes et indifférents au bien public. Le principe fondamental de la monarchie chinoise a été détruit ; car le magistrat n’est plus un père de famille vivant au milieu de ses enfants, c’est un maraudeur qui arrive sans qu’on sache d’où il sort, et s’en allant ensuite on ne sait où. Aussi, depuis l’avènement de la dynastie tartare mantchoue, tout languit et tout meurt dans l’empire ; on ne voit plus, comme autrefois, ces grandes entreprises, ces travaux gigantesques, indices d’une vie forte et puissante chez la nation qui les exécute. On rencontre dans toutes les provinces des monuments qui durent exiger d’incroyables efforts et une longue persévérance : de nombreux canaux, des tours d’une grande hauteur, des ponts superbes, de larges routes à travers les montagnes, de fortes