Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/485

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par les jeux nautiques, nous prouva que les Mantchous ne jouissaient pas d’une grande popularité, et que les Chinois ne demanderaient qu’une bonne occasion pour s’en débarrasser.

Nous nous arrêtâmes deux jours à Kin-tcheou, dans le but de faire bien reposer nos naufragés, et de leur donner le temps nécessaire pour recomposer du mieux possible leur petit équipement. Les autorités de la ville étant tout à fait absorbées par les graves événements qui venaient de se passer, nous respectâmes leurs préoccupations, et n’eûmes avec elles que les rapports indispensables ; nous les vîmes cependant assez pour les décider à indemniser les hommes de l’escorte qui avaient perdu leur bagage dans le fleuve Bleu. La répartition se fit avec une générosité si inespérée, que presque tout le monde se trouva plus riche après qu’avant le naufrage.

Notre dernière navigation avait été si malheureuse, que personne n’eut envie de recommencer ; maître Ting lui-même crut prudent de mettre un frein à son ardeur pour les spéculations ; il lui sembla que les bénéfices réalisés, en doublant par eau les étapes, ne valaient pas la peine de s’exposer au danger d’avoir le mal de mer et de se noyer ; gagner sa journée régulièrement, et sur terre, était chose plus sûre. Les mandarins de Kin-tcheou n’eussent d’ailleurs jamais consenti à nous laisser embarquer, de peur de tomber dans les mêmes embarras que le préfet de Song-tche-hien ; pour nous, quoique moins fatigués en voyageant par eau que par terre, et persuadés que, de part et d’autre, il y avait à peu près une égale somme de dangers et d’inconvénients,