Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/88

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fleurs de donner audience à ses administrés, nous prîmes congé de lui. Ce bonhomme de Tartare-Mantchou avait eu l’amabilité de nous régaler d’un excellent dîner. Nous lui en fûmes très-reconnaissants ; mais notre gratitude n’alla pas jusqu’à lui donner les renseignements qu’il espérait obtenir de nous. Après nous être adressé mutuellement un nombre infini de salutations et avoir épuisé toutes les formules de la civilité chinoise, nous retournâmes chez nous.

Pendant notre absence, le juge de paix nous avait organisé notre maison par ordre du vice-roi. On nous avait alloué deux jeunes gens adroits et bien élevés pour valets de chambre, et puis deux mandarins inférieurs, à globule de cuivre doré, chargés de nous tenir compagnie, de dissiper nos ennuis, et surtout de nous rendre la vie douce et agréable par les charmes de leur conversation. L’un d’eux, bredouillant d’une force prodigieuse, était, quoique jeune encore, presque décrépit par un usage immodéré de l’opium. L’autre, naturellement vieux, sans dents et presque aveugle, toussait perpétuellement ou poussait de gros soupirs, sans doute sur sa jeunesse, qu’il avait vue se faner comme une fleur. Le premier n’était occupé du matin au soir que de sa pipe et de sa petite lampe à opium. Le second, accroupi dans sa chambre, passait tout son temps à éplucher des graines de melon d’eau avec ses longs ongles, qui donnaient à ses mains desséchées la tournure de deux pattes de vieux singe. Il absorbait journellement une quantité prodigieuse de ces graines qu’il arrosait sans cesse d’abondantes rasades de thé ; il prétendait qu’une telle alimentation était ce qu’il y