Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/139

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avions fait une sottise ; nous le comprîmes le lendemain après que le repas de la nuit nous eut ramenés à la réalité de notre position. Nous avions oublié que nous étions en Chine, et que les mandarins n’étaient pas des hommes avec lesquels il fût bon de se piquer d’honneur ; pour bien faire, il fallait commander un festin de première classe, le faire payer au préfet, puis nous reposer un ou deux jours à Han-yang. Ce système, merveilleusement adapté au caractère chinois, avait eu un plein succès sur toute la route. Nous eûmes le malheur de l’abandonner dans un moment d’égarement, et nous en fûmes les victimes ; il nous fallut, après cela, une peine incroyable pour reconquérir notre première influence.

Nous quittâmes Han-yang avec un vif sentiment de satisfaction, sans même regretter le vieux gardien de la maison des hôtes qui nous expédia avec autant de grâce et d’amabilité qu’il en avait mis à nous recevoir. Le chemin que nous avions à faire ce jour-là n’était pas long ; mais il présentait, disait-on, quelque danger. Nous n’avions qu’à traverser le fleuve Bleu ; nous nous rendîmes sur le rivage, et nous aperçûmes, de l’autre côté, les formes vagues et indéterminées d’une ville immense, presque entièrement enveloppée de brouillards ; c’était Ou-tchang-fou, capitale de la province du Hou-pé ; elle n’était séparée de Han-yang que par le fleuve, assez semblable en cet endroit, à un large bras de mer. Des multitudes de jonques énormes descendaient rapidement, ou remontaient avec lenteur ce fleuve enfant de la mer, comme le nomment les Chinois. Le vent soufflait du sud, et nous était assez favorable, puisqu’il devait nous prendre par le travers ; il était cependant d’une