Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/24

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Heureusement que nous n’avions pas à faire de semblables calculs. Nous nous trouvions dans une position tellement favorable qu’une question d’économie ne pouvait pas même se présenter à notre esprit, attendu que nous étions entièrement à la charge des mandarins et qu’ils étaient obligés également de nous fournir et des médecines, et un cercueil en cas de besoin. Nous étions même assuré par avance qu’on aurait la courtoisie de nous placer dans une bière de qualité un peu supérieure. Ayant donc de bons motifs pour être pleinement tranquille sur ce point, nous avalâmes en paix toutes les médecines qu’on nous présenta, sans en retrancher une seule drogue, sans même nous informer du prix qu’elles pouvaient coûter. Jamais, peut-être, le médecin de Kuen-kiang-hien n’avait eu à soigner une meilleure pratique.

L’efficacité de la médecine ne fut nullement en rapport avec nos sentiments de générosité. Nous ne pouvons dire au juste si elle nous fit du bien ou du mal, si elle se contenta de garder une prudente neutralité et de laisser la maladie aller à sa guise ; tout ce que nous savons, c’est que le lendemain nous étions dans un état capable d’inspirer des craintes sérieuses. Les médecines se multipliaient, et le mal paraissait augmenter toujours ; une fièvre dévorante, des maux de tète à en devenir aveugle, de continuelles contorsions d’entrailles, une peau sèche et brûlante ; tels étaient les principaux caractères de la maladie. Le docteur ne nous quittait pas, car l’excellent homme y mettait de l’amour-propre. Se trouver aux prises avec l’étonnante organisation d’un diable des mers occidentales, venir à bout d’une maladie opiniâtre, atroce, enragée, telle, en