Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/256

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plutôt que vous n’envoyez demander, le soir, comment il a passé la journée ? Il faut bien que la nuit ait quelque chose de mauvais. »

Dans le Jardin de la porte occidentale, il y avait, nous l’avons déjà dit, une belle pagode consacrée à Bouddha, dont on voyait, sur l’autel, une grande statue dorée. La porte de ce temple était ouverte jour et nuit. Les parents, les amis et les serviteurs de ce jeune lettré passaient et repassaient continuellement devant l’image de Bouddha, et nous n’en vîmes jamais un seul s’arrêter dans ce temple pour y faire une prière, brûler un peu d’encens, et implorer une guérison qui leur tenait tant à cœur. C’est que, sans doute, ces gens étaient sans foi, sans religion ; ils n’avaient pas l’air de soupçonner qu’il existe un Être tout-puissant, maître de la vie et de la mort, et tenant entre ses mains les destinées de tous les hommes. Ils savaient seulement que, lorsqu’un malade se trouve en danger de mort, il est d’usage de courir, de côté et d’autre, à la poursuite de son âme pour tâcher de la ramener ; et ils s’abandonnaient à ces pratiques uniquement pour faire comme les autres, sans se demander si la chose était raisonnable ou ridicule, et, probablement, sans y avoir une grande confiance.

Durant la nuit tout entière, nous fûmes tenus en éveil par les incroyables manœuvres de ces pauvres Chinois qui donnaient la chasse à l’âme du lettré mourant. Ils s’arrêtaient quelquefois sous nos fenêtres, et nous les entendions adresser à cette âme fugitive les supplications les plus étranges, les prières les plus burlesques. La scène eût été pour nous vraiment risible et amusante, si nous n’avions su qu’il s’agissait d’une nombreuse famille dans