Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/452

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rotin attaché à la proue, nous étions paisiblement remorqués contre le courant. C’était, en vérité, nous traiter avec une attention bien peu ordinaire. Nous crûmes devoir prévenir le capitaine qu’il n’était nullement nécessaire d’user, à notre égard, d’un tel ménagement ; qu’ayant eu l’habitude de longues navigations sur les mers les plus orageuses, il nous était facile de supporter le léger mouvement d’une jonque côtoyant une rivière. — Que les matelots rament ici ou dans la chaloupe, nous répondit-il, la fatigue est la même ; d’ailleurs j’exécute les ordres qui m’ont été donnés à Nan-tchang-fou. Il est d’usage de remorquer les jonques, lorsqu’elles ont à bord des mandarins supérieurs.

De tels voyages sont de véritables parties de plaisir. On jouit d’abord d’une tranquillité profonde et inaltérable, et puis les paysages qui se déroulent le long de la route offrent des distractions d’une inépuisable variété. Nous oubliâmes, pendant quelques jours, les peines et les fatigues que nous endurions depuis plus de deux ans. La bonté toute paternelle de la Providence voulut bien nous accorder ces quelques instants de calme et de repos, en compensation des souffrances auxquelles nous avions été si longtemps en butte dans les affreux déserts de la Tartarie et du Thibet. Ces heures de délassement, nous les acceptâmes de la main de Dieu, le cœur plein de reconnaissance, comme nous avions accueilli avec résignation les jours d’épreuves et de tribulations.

Nous passâmes deux semaines dans notre hermitage flottant, sans en sortir une seule fois. Nous nous y trouvions si bien ! Lorsque nous rencontrions le long