Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/458

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ont rarement à attendre. Comme il est d’usage de commencer par boire du thé et puis de s’amuser avec de nombreuses friandises, les cuisiniers, ou, pour nous servir d’un terme plus convenable et plus digne, les mandarins de la marmite, ont tout le temps pour leurs manipulations culinaires. On apporte les mets avec une grande ostentation. Lorsque les garçons de l’établissement déposent les plats devant les convives, ils en disent les noms en chantant, de manière à être entendus de tout le monde. On comprend que cette méthode est assez ingénieuse pour exciter les consommateurs. Il arrive souvent que, par amour-propre, on demande des mets recherchés, très-coûteux, et dont on se serait passé volontiers, si on eût dîné à huis clos. Quand le repas est fini, le premier garçon de l’hôtel se tient à la porte, et entonne une chanson qui n’est autre chose qu’une nomenclature des différents plats avec un refrain composé du total des dépenses. C’est alors que les convives sortent, et il faut convenir que c’est là le moment le plus critique et le plus solennel. Ceux qui ont dîné économiquement s’en vont d’un air contrit et humilié, et cherchent, en quelque sorte, à éviter les yeux de l’assistance. Les lords chinois, au contraire, qui ont mangé avec somptuosité et à très-haut prix, sortent lentement, la pipe à la bouche, la tête en l’air et avec un regard fier et dédaigneux. Si l’on s’avisait d’adopter, en Europe, la méthode de proclamer solennellement, à la porte des restaurants, la carte des habitués, il serait à craindre que plus d’un convive ne se donnât de fréquentes indigestions à force d’amour-propre et de vanité.

Les Chinois, habituellement très-sobres, se nourrissent à