Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/66

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par les vagues notions de ses géographes. Il monte donc sur un navire ; après avoir parcouru les mers occidentales et s’être beaucoup ennuyé de ne voir jamais que l’eau et le ciel, il arrive enfin au Havre. Malheureusement il ne sait pas un mot de la langue française, et il est forcé d’appeler à son aide quelque portefaix qui aura appris, on ne sait trop comment, à jargonner un peu de chinois ; il le décore magnifiquement du titre de toun-sse, interprète, et tâche de s’en tirer avec lui du mieux possible au moyen d’un vaste supplément de geste et de pantomimes. Muni de son guide-interprète, le voilà parcourant, du matin au soir, les rues du Havre, et tout disposé à faire, à chaque pas, quelque découverte étonnante, pour avoir le plaisir d’en régaler ses compatriotes à son retour dans le Céleste Empire. Il entre dans tous les magasins, s’extasie sur tout ce qu’il voit, et achète les choses les plus bizarres qu’il peut rencontrer, les payant toujours, bien entendu, deux ou trois fois plus qu’elles ne valent, parce que son interprète est toujours d’intelligence avec le marchand pour enlever le plus grand nombre de sapèques à ce barbare venu des mers orientales.

Il va sans dire que notre Chinois a la prétention d’être philosophe, moraliste surtout ; aussi est-il dans l’habitude de prendre beaucoup de notes ; c’est le soir, quand ses courses sont terminées, qu’il se livre à cet important travail de concert avec le portefaix. Il tient toujours en réserve une longue série de questions à lui adresser ; ce qui le gêne un peu, c’est qu’il ne peut parvenir à se faire comprendre ni à voir clair dans ce qu’on veut lui dire. Mais, lorsqu’on a tant fait que d’aller en