Page:Ewan - Les hommes du jour Edward Blake, 1891.djvu/9

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Le tournoi dura pendant dix jours et dix nuits. La fièvre de l’excitation était intense. Les spectateurs applaudissaient dans les galeries et on les menaçait d’expulsion. Les députés s’attaquaient violemment les uns les autres et en arrivaient aux personnalités. Au milieu de ce tumulte, le jeune chef de l’opposition montrait le plus grand calme et le sang-froid d’un vétéran de l’armée parlementaire. On l’avait choisi pour commander l’assaut : on le disait inébranlable, sans faiblesse humaine, rempli d’arrogance intellectuelle, et en imposant plutôt par le respect et la crainte que par la sympathie. Et que de choses ne disait-on pas encore de lui ?… Un de ses collègues, M. Archibald McKellar était cité comme un homme tout différent : c’était son magnétisme personnel et brillant qui maintenait ensemble les rangs qui formaient la masse hétérogène de l’opposition.

Toutes les attaques personnelles dirigées contre M. Blake n’avaient pas semblé l’affecter ; mais, dans son discours du 13 décembre au soir, il daigna y faire allusion. Ceux-là qui eurent la bonne fortune de l’entendre alors purent s’en féliciter. Depuis, ils ont pu l’écouter en diverses occasions ; mais, pour notre part, nous croyons que jamais depuis il n’a fait vibrer si puissamment la corde qu’il toucha ce soir-là. Il serait facile de trouver dans les débats parlementaires des sujets plus élevés pour proclamer son éloquence ; mais l’entêtement des ministériels à le peindre comme un être à part, comme une intelligence dépourvue de chaleur, l’amena à faire étinceler des trésors de générosité enfouis dans son cœur, et à révéler un immense talent pour éveiller un écho dans celui des autres, qualité dont on ne lui donne généralement pas le crédit. Après tant d’années écoulées, nous ne saurions donner à la lettre ce discours de circonstance, bien que le sens en reste gravé dans notre mémoire, tant fut profonde l’impression qu’il produisit sur nous comme sur tous ceux qui l’entendirent. Nul ne saurait oublier surtout la clameur d’applaudissements qui accueillit son allusion aux attaques personnelles faite contre lui :

« Je sais, dit-il, répondant à l’un des sarcasmes de ses adversaires, que je ne suis doué ni de cette affabilité, ni de cette urbanité qui caractérisent mon collègue à ma gauche, M. McKellar ; mais il m’arrive parfois de croire que j’ai quelques amis dévoués parmi